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Liberté académique: Craignant des représailles, plusieurs chargés de cours censureraient déjà leur contenu
- 18 juin 2021
- Posted by: spprul
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Un compte rendu du dernier conseil fédéral de la FREUQ-CSQ, par Pierre Racine
Plusieurs chargés de cours de l’Université de Sherbrooke censureraient le contenu de leur cours de crainte d’être victime d’intimidation de la part des étudiants. C’est ce qui ressort d’une enquête menée en avril par le Syndicat des chargées et des chargés de cours de l’Université de Sherbrooke (SCCCUS).
En effet, 23% des 400 chargés de cours qui ont participé au coup de sonde ont répondu par l’affirmative à la question « Avez-vous le sentiment qu’il y a des sujets ou des concepts pertinents à vos cours que vous ne pouvez pas/plus traiter? » Plus de 121 de ces participants ont commenté leur situation. Certains chargés de cours disent s’autocensurer ou faire preuve d’une extrême prudence lorsqu’ils abordent certains sujets. Selon l’un d’entre eux « il est difficile de donner des points de vue contrastés ou de s’éloigner du discours dominant, de peur d’être mal interprété ». On dit se limiter à certains aspects plus politiquement corrects de concepts alors qu’ils mériteraient d’être explorés sous plusieurs facettes. 7% des répondants disent également avoir déjà subi de l’intimidation. Plusieurs auraient même décidé de ne plus donner certains cours de crainte de représailles.
Ces témoignages ont été présentés par Vincent Beaucher, président de du SCCCUS, lors du dernier conseil fédéral de la Fédération de la recherche et de l’enseignement universitaire (FREUQ-CSQ) dont il est aussi président.
Plusieurs participants au conseil ont observé qu’il n’y aurait pas de débat sur la liberté académique au Québec si les directions de département, de faculté et d’université apportaient leur soutien à leurs propres employés professeurs ou chargés de cours lorsque des litiges surviennent. Mais les directions préfèrent souvent ménager l’ire des étudiants au détriment de la liberté académique et des appréhensions des enseignants.
La liberté académique est devenue un sujet de vifs débats au Québec suite aux événements survenus à l’Université d’Ottawa l’an dernier et à la série d’articles publiés par Isabelle Hachey en février dernier dans La Presse. Tellement que le Ministère de l’enseignement supérieur du Québec a récemment mis sur pied une Commission scientifique et technique chargée de faire le point sur la reconnaissance de la liberté académique dans le milieu universitaire.
Dans un rapport qui devrait être publié fin 2021, la commission devrait réaffirmer la mission des universités, déterminer les principes de la liberté académique, rappeler la responsabilité des universités et des acteurs concernés, dont les membres du personnel et les étudiants, à l’égard de la liberté académique et faire des recommandations quant au rôle du gouvernement et du ministère de l’Enseignement supérieur en matière de liberté académique. M. Beaucher déplore toutefois qu’aucun chargé de cours, ni aucun professionnel de recherche, n’ait été nommé membre de la commission par le gouvernement.
La FREUQ-CSQ, de concert avec la CSQ, devrait envoyer un mémoire à la commission sous peu. “La liberté académique sera le dossier chaud de l’année 2021 dans le monde universitaire” selon Vincent Beaucher.
Pas de consensus sur le futur des universités
La liberté académique est également un sujet majeur de préoccupation dans le rapport sur l’Université du futur mis en ligne récemment par les Fonds de recherche du Québec (FRQ). Le document fait suite à la consultation en ligne et aux quatre journées d’échanges organisées par l’organisme subventionnaire en novembre 2020. Il ne fait toutefois pas consensus.
La table des partenaires universitaires (TPU), un regroupement de syndicats représentants différents corps de métier du milieu universitaire dont la FREUQ-CSQ, auquel le SPPRUL est affilié, s’est dite déçue des conclusions du rapport déposé par le scientifique en chef, Rémi Quirion. La TPU a particulièrement été interpellée par les conclusions de M. Quirion lui-même. Selon elle, des observations communes, faites indépendamment par différents intervenants lors des journées de délibération, ont été ignorées dans le document final, alors que certaines réflexions du scientifique en chef, qui n’ont pourtant pas été abordées lors des discussions, y prennent une place prépondérante.
Dans une lettre adressée à la ministre de l’Enseignement supérieur, Danielle McCann, et publiée dans le Nouvelliste le 31 mars dernier, la TPU note que même si plusieurs recommandations du rapport traduisent adéquatement la volonté de la communauté universitaire, celui-ci ne fait pas consensus et la ministre devrait utiliser ses conclusions avec prudence.
Les professionnels de recherche (PPR) ne sont toutefois pas en reste dans le rapport. La recommandation 4 souligne l’importance de récolter des données sur toutes les activités universitaires en créant « Un organisme de collecte et de gestion de données indépendant ». Parmi les données à prioriser, il est proposé « de mettre à jour l’étude sur les professionnels de recherche (PRR) de 2013, cette fois-ci en incluant l’ensemble du personnel de recherche et l’ensemble des universités et de constituer une banque de données spécifique au PPR en rendant compte des impacts de leurs activités ». On fait ici référence à l’étude réalisée par l’équipe de Paul-André Lapointe en 2013 à l’initiative du SPPRUL qui a été suivi par une étude pancanadienne en 2020. Ces deux études sont disponibles sur le site web du SPPRUL (https://spprul.ca/archives/).
Le rapport final intitulé “L’Université québécoise du futur” peut maintenant être consulté sur le site des FRQ.
Plus de résultats du sondage concernant les PPR
Lors du même conseil fédéral FREUQ-CSQ, Claudia Zimmermann a présenté les résultats concernant les PPR de l’Université Laval issus de l’analyse qualitative du sondage de la FREUQ. Nous avons déjà présenté les résultats préliminaires de ce sondage dans un article en décembre (https://spprul.ca/ppr-et-charges-de-cours-une-realite-similaire-selon-une-consultation-de-la-freuq-csq/). Plus de 150 professionnels de recherche de l’Université Laval ont répondu à cette consultation qui visait 3 404 membres de la FREUQ-CSQ.
Sans surprise 56% des répondants considèrent leur emploi comme précaire. La majorité d’entre eux estiment que des contrats à long terme, la permanence et l’amélioration des conditions salariales auraient un impact positif sur leur stabilité d’emploi.
26% d’entre eux considèrent également ne pas bénéficier d’une reconnaissance professionnelle adéquate. Ils pointent du doigt le manque de reconnaissance pour leur contribution à la recherche et notamment le fait qu’ils ne sont souvent pas reconnus comme co-auteurs de publications auxquelles ils ont pourtant contribué.
Ce sujet a suscité une bonne discussion lors du conseil. Les uns s’interrogeant sur les raisons qui incitent les chercheurs à exclure les PPR comme co-auteurs, les autres partageant leur propre expérience.
Un intervenant a identifié le fait que les chercheurs tendent à vouloir minimiser le nombre d’auteurs dans leurs publications et qu’il est relativement facile d’ignorer les PPR étant donné leur lien d’emploi avec celui-ci et le fait qu’il n’y ait pas de politiques claires à ce sujet dans les facultés.
Une intervenante a pointé du doigt les mécanismes inhérents aux demandes de subvention: On donne des points aux chercheurs pour le nombre d’étudiants et de co-chercheurs ayant contribué aux études mais on fait fi des autres corps de métier de la recherche comme les PPR, les assistants de recherche et les techniciens. Ces mécanismes d’évaluation, en offrant peu ou pas d’incitatif pour reconnaître l’apport de ces professionnels, engendreraient une discrimination systémique de ces professionnels en tant qu’auteurs de publications.
Même si plusieurs PPR ne semblent pas souffrir du problème (à preuve les récipiendaires des prix d’excellence pour les professionnels de recherche du FRQ), ce thème revient souvent dans les discussions et les sondages et chez les chercheurs et les étudiants, on ne se pose même pas la question. Ce manque de reconnaissance dévalorise des corps de métiers pourtant d’une importance fondamentale dans les équipes de recherche modernes.
D’autres questions de l’enquête portaient sur les problèmes de gestion auxquels font face les PPR. 35% d’entre eux constatent qu’il existe des problèmes reliés aux pratiques de gestion à l’Université Laval. On cite les contrats retardés, les lourdeurs administratives, le manque de compétence en gestion de personnel des chercheurs et même des abus de pouvoir.
48% des PPR se sont dit inquiets des effets de la pandémie sur leurs activités professionnelles. On invoque l’annulation ou le report de projets de recherche, l’éventuelle diminution ou la perte de subventions, des vacances forcées et des pertes d’emplois.
Seulement 34% des professionnels de recherche se sont dit satisfaits des perspectives de carrière offertes par leur profession, une situation due principalement à la dépendance de leur statut aux subventions gouvernementales…
Les conseils fédéraux de la FREUQ-CSQ ont lieu deux fois par an. Tous les PPR de l’Université Laval sont invités à y participer en tant que délégués. Selon les statuts de la FREUQ-CSQ, le SPPRUL-CSQ peut déléguer quatre PPR à chaque rencontre. Selon les disponibilités de chacun, ceux-ci ne sont pas toujours les mêmes.